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En ce mois de mars, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, le CORAF met en lumière des femmes inspirantes qui, par leur travail et leur passion, contribuent à transformer l’agriculture en Afrique de l’Ouest et du Centre. Aujourd’hui, nous célébrons Professeure Adijatu Kouboura Alice DJINADOU, une figure emblématique dans le domaine de la recherche agricole et de l’agro-sociologie.

Prof Alice est chercheure et Cheffe du Service Valorisation des Acquis de Recherches et des Innovations à l’Institut National des Recherches Agricoles du Bénin (INRAB). Son expertise couvre des domaines vitaux tels que l’agro-sociologie, le genre et le développement agricole durable, des sujets pour lesquels elle a fait preuve d’une véritable passion au cours de sa carrière.

 1. Pouvez-vous nous parler de votre parcours dans la recherche agricole ?

Je suis titulaire d’un Diplôme d’Ingénieur Agronome, spécialité Sciences du Sol, et j’ai débuté ma carrière en 1985 au Centre National d’Agro-Pédologie (actuel Laboratoire des Sciences du Sol, Eaux et Environnement de l’INRAB). En 1989, j’ai intégré la Direction Générale de l’INRAB où j’ai occupé diverses fonctions dans le Service Documentation, Formation et Publication. En 2002, j’ai été nommée Cheffe du Service Relations Publiques et Valorisation. Depuis 2014, je travaille au Centre de Recherches Agricoles Sud, où j'ai exercé plusieurs responsabilités, notamment en tant que Cheffe Unité de Communication et Cheffe Sous-Programme Racines et Tubercules. En parallèle, je suis engagée depuis 2015 comme Point Focal Genre de l’INRAB. Depuis 2018, je dirige le Service Valorisation des Acquis de Recherches et des Innovations. Je suis également impliquée dans des projets comme TARSPro et iREACH, axés sur l’augmentation de la résilience des systèmes agricoles.

2. Qu’est-ce qui vous a motivée à embrasser une carrière dans la recherche agricole/scientifique ?

Ma carrière dans la recherche agricole s’est construite presque par accident. Après un Baccalauréat série D, j’avais initialement envisagé une carrière en médecine, mais faute de place à la faculté, j’ai opté pour l’agronomie. C’est là qu’une spécialité en Sciences du Sol m’a menée vers la recherche, en particulier après mes premiers postes au Laboratoire d’Analyse des Sols.

3. Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme chercheure et comment les avez-vous surmontés ?

Au début de ma carrière, la présence féminine dans les postes de responsabilité scientifique était quasi inexistante, et les hommes détenant des doctorats faisaient preuve d’une grande arrogance, minimisant la capacité des femmes à atteindre ce niveau. Ce défi m’a motivée à poursuivre mes études à l’international, malgré les difficultés financières. J’ai effectué un Master aux États-Unis grâce à une bourse, puis financé seule mon Doctorat. Ce parcours m’a permis de surmonter les préjugés liés à mon statut de femme.

4. Qui sont vos modèles ou sources d'inspiration dans le domaine de la recherche agricole ?

Dr. Cheryl Doss, économiste du développement, est une de mes principales sources d’inspiration. Ses recherches sur les droits de propriété des femmes, les actifs agricoles et la transformation rurale en Afrique subsaharienne m’ont particulièrement influencée. Ses travaux m’ont poussée à orienter mes études vers l’agro-sociologie, avec une spécialité en Genre et Développement durable.

5. Pouvez-vous nous parler d’un projet ou d’une innovation marquante sur laquelle vous avez travaillé et qui a eu un impact dans votre domaine ?

L’un des projets les plus significatifs a été ma contribution à la recherche sur le manioc. Nous avons identifié et évalué plusieurs variétés enrichies en bêta-carotène pour lutter contre les carences en vitamine A, un problème majeur pour les enfants du Bénin. Cinq variétés, avec des rendements de 23 à 33 tonnes par hectare et un taux de bêta-carotène élevé, ont montré une adaptation remarquable aux conditions du Sud-Bénin, contribuant ainsi à l’amélioration de la sécurité alimentaire et nutritionnelle.

6. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui aspirent à faire carrière dans la recherche agricole ?

Je les encourage à voir chaque obstacle comme un défi à relever. Faire de la recherche n’est pas réservé aux hommes. Elles doivent s’organiser pour équilibrer vie professionnelle et personnelle tout en restant concentrées sur leurs objectifs. Il est essentiel de faire entendre leur voix et de montrer que l’intelligence et la persévérance ne sont pas liées au genre.

7. Comment votre collaboration avec le CORAF contribue-t-elle à l’avancement de la recherche et à l’innovation en Afrique de l’Ouest et du Centre ?

La collaboration avec le CORAF a permis à l’INRAB de renforcer ses capacités par des échanges de savoir-faire, des formations, et des projets régionaux. Le CORAF soutient activement des initiatives telles que la gestion de la fertilité des sols et l’amélioration des cultures vivrières, projets auxquels l’INRAB participe. En synergie, nous favorisons l’adoption de technologies adaptées aux besoins locaux, tout en intégrant la dimension genre dans nos recherches.

8. Quel message aimeriez-vous adresser aux jeunes filles qui souhaitent se lancer dans la recherche scientifique ?

Je leur dirais que la recherche scientifique est un domaine passionnant et que leurs idées, leur énergie et leur ambition sont des atouts précieux pour le progrès. Elles doivent persévérer face aux difficultés, ne jamais se laisser intimider par les obstacles, et se rappeler qu’elles ont un rôle essentiel à jouer. Leurs voix peuvent apporter des perspectives inédites et compléter celles des hommes, contribuant ainsi à une science plus inclusive et diversifiée.